J’avais lu Eon et le Douzième Dragon lorsque j’étais encore au collège… J’en avais le souvenir d’un bon livre, que je n’avais toutefois pas conseillé à ma mère et à mon frère − peut-être parce que la bibliothèque n’avait pas le tome 2.
Des années plus tard, j’ai remarqué qu’il était sur la Rainbowthèque, puisque l’un des personnages secondaires importants est une femme trans. Et alors qu’on discutait des lectures de notre enfance, un ami m’a conseillé avec passion de lire cette série.
Il se trouve que j’avais acheté le tome 1 – je l’avais vu d’occasion et je me suis dit « c’est l’occasion » – mais je n’avais pas pris le temps de le lire. Suite à l’injonction de mon ami, je l’ai acheté une deuxième fois d’occasion – car le mien était chez moi, et je pensais pouvoir offrir mon doublon – et je me suis lancée dans cette lecture.
C’est très particulier de relire une histoire qu’on n’a lue qu’une fois il y a longtemps. Je me souvenais du scénario global : dans un univers d’inspiration asiatique, chaque année, un apprenti Œil du Dragon est choisi par le dragon ascendant de l’année. Eon fait partie des candidats de l’année du dragon rat, et fait face à deux défis. Le premier, c’est que sa hanche a été fracassée par une charrette. Le deuxième, c’est qu’Eon est en fait une fille déguisée, et qu’il est interdit aux femmes de devenir Œil du Dragon.
Je savais aussi qu’Eon ne serait pas choisie pour devenir apprentie du dragon rat, mais que le dragon miroir, endormi depuis des siècles, se réveillerait pour la choisir.
Et je me souvenais de la fin…
Le suspense de ce livre est très intense, ce qui est parfois lassant quand on connait la suite. Ceci dit, c’était vraiment un excellent tome. Les erreurs d’Eon sont frustrantes quand on les connait, mais elles sont compréhensibles. Il y a beaucoup de rebondissements, le rythme est intense, les personnages secondaires complexes et attachants.
Avec le recul, je me rends aussi compte que je l’avais lu trop jeune. La scène dont je me souvenais le plus précisément est la tentative de viol – j’avais été choquée – et je n’avais pas compris la résolution de l’énigme finale, ce qui est quand même dommage.
Même à la relecture, il y a des éléments qui m’ont échappé. C’est ce que j’ai constaté en lisant le tome 2 : dans la confusion des combats, je n’avais absolument pas remarqué des modifications majeures, et la révélation d’un grand secret. Dans ces changements, il y en a un que j’ai détesté et qui concerne le handicap d’Eon… si je l’avais lu correctement, je ne serais probablement pas passée au tome 2. Mais comme je ne l’ai pas remarqué, ce n’est qu’après que j’ai été déçue.
Le tome 2, Eona et le Collier des Dieux est… énorme. Je l’ai commencé avec un enthousiasme qui m’a propulsée à travers les 200 premières pages. Eona rejoint la résistance, elle essaie d’apprivoiser son pouvoir avec l’aide de Dame Dela. C’était cool, il y avait de l’action, des éléments nouveaux, de la tension… puis… je ne sais pas, ça s’est enlisé. J’avais l’impression d’être arrivée à la confrontation finale, sauf qu’on n’en était même pas à la moitié !
C’est alors qu’est arrivée l’ennemie numéro 1 : la romance malsaine. Je ne suis déjà pas fan de romance en temps normal, mais là, l’intérêt amoureux en question pique des crises de rage meurtrière lorsqu’il est triste – oui, il tue des gens – et il a droit de vie ou de mort sur Eona. En plus, il est très sexiste. Génial. J’étais presque contente qu’elle soit elle aussi attirée par lui, car en cas de rejet, il l’aurait certainement maltraitée.
Et peu à près, entrée en scène de l’ennemi numéro 2 : le triangle amoureux. En plus, des deux côtés, les personnages ont une relation sans la moindre communication, ils ne se connaissent pas. J’étais donc obligée de m’expliquer leur attirance par le joker, l’attirance sexuelle, ce qui n’était pas très satisfaisant. Le deuxième membre du triangle amoureux est encore plus problématique que le premier, et cet article l’explique plus en détails, tout en spoilant la fin du tome 1.
Bref, en plus, comme dans le tome 1, je sentais ce qui allait mal tourner, et du coup, la pression était vraiment intense – oui, j’ai cédé et j’ai jeté un coup d’œil à la fin pour me rassurer. Même si c’est bien d’avoir de la tension dans un livre, quand il n’y a pas le moindre relâchement, ça finit par être fatiguant… Et même si c’est injuste, je n’aime pas quand les personnages font des erreurs compréhensibles, mais dont je savais à l’avance que c’était des erreurs. C’est trop frustrant…
Tout est remonté dans les 200 dernières pages. Le final se précise, les personnages deviennent plus raisonnables, le suspense est à son comble, et j’étais vraiment à fond dans l’histoire. La toute dernière révélation est juste parfaite. C’est là que je trouve bien de lire ce livre maintenant, et non à 13 ans : je ne l’aurais pas appréciée de la même façon. Tout au long du tome 1&2, l’esclavage est montré comme injuste, horrible et oppressif, et ce de différentes manières. L’esclavage d’Eona et de ses ami·es est dénoncé, lorsque quelqu’un prend le contrôle de la volonté d’Eona, c’est décrit comme affreux. Plus subtil, Eona guérit une personne handicapée sans son consentement, et celle-ci lui en veut, parce qu’elle a utilisé son pouvoir pour outrepasser son libre-arbitre. Et on voit à plusieurs reprises Eona abuser de son pouvoir, en retirer à la fois plaisir et culpabilité.
Alors que l’esclavage est dénoncé tout au long de l’histoire, certains personnages étaient réduits dans un esclavage décrit exactement comme les autres mais jamais, jamais questionné. Ces personnages appartenaient à un groupe différent et je me disais « tiens, c’est de la discrimination. Je ne m’en serai pas rendue compte à 13 ans » et j’étais un peu déçue que l’autrice ait écrit ça.
Sauf que c’était voulu, et la fin n’en était que plus satisfaisante.
Le livre datant de 2008, je redoutais un traitement maladroit de la transidentité, mais pour autant que je puisse en juger, c’est bien fait. Dame Dela est considérée comme une femme. Point.
J’étais dubitative par rapport à l’univers… Asia Pacific Arts évoque le travail de recherche, mais pour moi, c’était plus une ambiance qu’un univers. En écrivant cette chronique, je me suis rendue compte que j’avais pas mal d’éléments à reprocher à cette série ! Mais même si elle n’est pas parfaite, elle est pleine de tension – trop ? – et la fin est très satisfaisante.
Avertissements : tentative de viol, meurtres, esclavage
2 réflexions sur « Eon et le Douzième Dragon / Eona et le Collier des Dieux d’Alison Goodman »